lundi 26 novembre 2007

Mon père rend visite à Besenval au Châtelet, par le comte de Ségur

LE COMTE DE SEGUR PAR ELISABETH VIGEE LE BRUN. 1785



J'apprends un matin que mon père, âgé et très affaibli par la goutte et par ses blessures, était sorti à pied pour aller voir son ami, le baron de Besenval, enfermé alors daus la prison du Châtelet. On me dit aussi que des malveillants, ameutant la populace, venaient d'exciter un grand tumulte autour de cette prison. Inquiet de ce qui pouvait être arrivé à mon père, je courus le rejoindre.
Une foule immense, rassemblée sur le quai, obstruait le passage, malgré les efforts de la Garde Nationale, et faisait retentir l'air d'affreuses vociférations. Ces forcenés accusaient l'autorité de trahison, les juges de lenteur, et demandaient à grands cris la tête du prisonnier.
Je ne parvins qu'après beaucoup de temps et de peine, à me faire jour au travers de cette multitude effrénée. Arrivé enfin à la prison, j'entrai par un guichet sous une porte basse ; je parcourus avec dégoût les sombres détours de ce repaire du vice, du crime, et, montant l'escalier de la tour, j'entrai dans une chambre assez propre, où je vis le baron de Besenval, non- seulementcalme et courageux, mais entretenant, avec sa gaieté ordinaire, mon père, le chevalier de Coigny, le comte de Pusigneux, mon frère, et plusieurs femmes aussi aimables que jolies, qui venaient fréquemment, avec d'autres amis, adoucir sa captivité.
On peut juger quel effet produisit sur moi ce contraste entre la rage qui s'exhalait au dehors et la sérénité qui régnait au dedans de la prison, malgré les cris de ces furieux, qui retentissaient jusqu'à nous.

Mémoires du comte de Ségur.


LE MARECHAL DE SEGUR, PAR ELISABETH VIGEE LE BRUN. 1789


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