lundi 26 novembre 2007

Un groupe de déguenillés, par Chateaubriand

LE SUPPLICE DU SIEUR FOULON


Un groupe de déguenillés arrive par un bout de la rue ; du milieu de ce groupe s'élevaient deux étendards que nous voyions pas bien de loin.
Lorsqu'ils s'avancèrent, nous distinguâmes deux têtes échevelées et défigurées, que les devanciers de Marat portaient chacun au bout d'une pique...
Tout le monde se retira des fenêtres ; j'y restai.
Les assassins s'arrêtèrent devant moi, me tendirent les piques en chantant, en faisant des gambades, en sautant pour approcher de mon visage les pâles effigies.
L'oeil d'une de ces têtes, sorti de son orbite, descendait sur le visage obscur du mort ; la pique traversait la bouche ouverte dont les dents mordaient le fer.(...)
Ces têtes, et d'autres que je rencontrai bientôt après, changèrent mes dispositions politiques ; j'eus horreur des festins de cannibales, et l'idée de quitter la France pour quelque pays lointain germa dans mon esprit.

Chateaubriand. Mémoires d'outre-tombe.



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