lundi 26 novembre 2007

La nuit du 04 Août à Versailles, par le marquis de Ferrières.

GRAVURE D'EPOQUE : LE FARDEAU DES PRIVILEGES


« Versailles, 7 août 1789.


Monsieur, la séance du mardi au soir, 4 août, est la séance la plus mémorable qui se soit tenue jamais chez aucune nation. Elle caractérise le noble enthousiasme du Français. Elle montre à l'univers entier quelle est la générosité et les sacrifices dont il est capable, lorsque l'honneur, l'amour du bien, l'héroïsme du patriotisme, le commandent.
M. le Vicomte de Noailles fit une motion, et demanda que les droits de banalité, rentes nobles foncières, droits de minage, exclusifs de chasse, de fuie, colombier, cens, redevances, dîmes, rachats, tous droits qui pèsent sur le peuple, et sont la source des déprédations des justices subalternes, des vexations des officiers, puissent être rachetés à un taux fixé par l'Assemblée nationale. Le comte Mathieu de Montmorency appuya fortement cette motion. Plusieurs membres de la Haute Noblesse se joignirent à lui. Les ducs d'Aiguillon, du Châtelet, proposèrent que, dès le moment, la Noblesse et le Clergé prononçassent le sacrifice de leurs privilèges pécuniaires. Le président de Saint-Fargeau ajouta qu'ils consentissent à faire rétrograder le sacrifice, pour les six derniers mois de 1789.
Les circonstances malheureuses où se trouve la Noblesse, l'insurrection générale élevée de toutes parts contre elle, les provinces de Franche-Comté, du Dauphiné, de Bourgogne, d'Alsace, de Normandie, de Limousin, agitées des plus violentes convulsions, et en partie ravagées ; plus de cent cinquante châteaux incendiés ; les titres seigneuriaux recherchés avec une espèce de fureur, et brûlés ; l'impossibilité de s'opposer au torrent de la Révolution, les malheurs qu'entraînerait une résistance même inutile ; la ruine du plus beau royaume de l'Europe, en proie à l'anarchie, à la dévastation ; et, plus que tout cela, cet amour de la patrie inné dans le coeur du Français, amour qui est un devoir impérieux pour la Noblesse, obligée par état et par honneur, de dévouer ses biens, sa vie même pour le Roi et pour la Nation, tout nous prescrivait la conduite que nous devions tenir ; il n'y eut qu'un mouvement général. Le Clergé, la Noblesse se levèrent et adoptèrent toutes les motions proposées. Les témoignages les plus flatteurs de reconnaissance furent prodigués. Mais c'était le moment de l'ivresse patriotique.


Différentes motions se succèdent avec rapidité (...). Les députés de Paris renoncent pour la capitale à ses privilèges ; ceux des villes de Bordeaux, Lyon, Marseille suivent le même exemple ; les députés des provinces privilégiées, la Bretagne, la Bourgogne, le Dauphiné, l'Artois, la Franche-Comté, la Provence, le Languedoc, le Boulonnais, la principauté d'Orange, le Cambrésis, l'Alsace, le pays de Dombes, s'avancent tour à tour au bureau, et prononcent solennellement, au nom de leurs provinces, la renonciation formelle à tous droits, privilèges, exemptions, prérogatives, demandant d'être assimilés aux autres provinces de France. Vous jugez de l'enthousiasme dans lequel ce généreux abandon fut reçu. Je n'essaierai point de vous peindre les transports, la joie ; une foule immense de spectateurs la partageait ; des cris, des « Vive le roi ! », des battements de mains !
Cette réunion d'intérêts, cette unité de toute la France à un même but (l'avantage commun de tous) que douze siècles, la même religion, le même langage, l'habitude des mêmes moeurs, n'avaient pu opérer ; que le ministre le plus habile, le plus puissant, n'aurait pu effectuer, après dix années de soins et de travaux, se trouvait tout à coup formée, sanctionnée à jamais. (...)
Voici les principaux détails de cette mémorable séance. Que Messieurs les gentilshommes du Mirabelais et Richelais considèrent que cette facilité donnée aux censitaires, de rembourser les droits féodaux, n'est pas aussi contraire à leurs intérêts qu'ils pourraient le penser au premier aperçu. (...) Il eût été inutile, dangereux même pour vous, de s'opposer au voeu général de la nation. C'eût été vous désigner, vous et vos possessions, pour victimes de la fureur de la multitude ; c'eût été vous exposer à voir incendier vos maisons. Soyez persuadé que notre petite sénéchaussée est, jusqu'à présent, celle qui a éprouvé le moins de troubles et de malheurs ; j'ose dire que j'ai cherché, par tous les moyens de douceur et de prudence, à éviter de vous compromettre. Je conjure donc Messieurs de la Noblesse de ne point blâmer publiquement l'arrêté de l'Assemblée nationale, et de mettre dans leurs discours, une prudence, une circonspection d'où dépend leur tranquillité, et peut-être le salut général du royaume. »


Marquis de FERRIERES (député de la noblesse de Saumur aux Etats Généraux), Correspondance inédite, 1789, 1790, 1795, publiée et annotée par H. Carré, Paris, A. Colin, 1932, pp.113-119.


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imanuelegadomski a dit…

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