lundi 26 novembre 2007

L'assassinat de Marat, dans Le père Duchesne

L'ASSASSINAT DE MARAT, PAR LOUIS BRION DE LA TOUR


La grande douleur du Père Duchesne au sujet de la mort de Marat assassiné à coups de couteau par une garce du Calvados,dont l'évêque Fauchet était le directeur. Ses bons avis aux braves sans-culottes pourqu'ils se tiennent sur leurs gardes, attendu qu'il y a dans Paris plusieurs milliers de tondus de la Vendée qui ont la pattegraissée pour égorger tous les bons citoyens.
Marat n'est plus, foutre. Peuple, gémis, pleure ton meilleur ami ; il meurt martyr de la liberté. C'est le Calvados qui a vomi le monstre sous les coups duquel il vient de périr. Une jeune fille, ou plutôt une furie armée par les prêtres, et pénitente, dit-on, du cafard Fauchet, part de Caen pour exécuter cet horrible attentat. Elle arrive à Paris, et après avoir acheté un large couteau au palais que je ne cesserai d'appeler royal , puisqu'il est le rendez-vous de tous les fripons de la terre, elle va trois jours consécutifs frapper à la porte de Marat et demande à lui parler.
Le pauvre bougre épuisé de travail, ne pouvait voir ni entendre personne. Cependant la voix plaintive d'une femme, frappe son oreille ; il croit que c'est une infortunée qui vient implorer ses secours. Qu'on ouvre ! dit il. La coquine se présente avec un air dolent et elle s'approche de son bain, où il était alors.


Citoyen vous êtes le père des malheureux, le défenseurdes opprimés ; je m'adresse à vous, avec confiance, pour obtenir justice. Mon père, vieillard infortuné, bon patriote, gémit dans les fers. Un vieillard, un père de famille, un bon citoyen est dans les fers, réplique Marat ; rassurez vous, jeune citoyenne, je serai son vengeur. C'est m'obliger,que de me procurer l'occasion d'être utile à un homme aussi intéressant. Quel est votre pays ? Caen ,... Caen !... Oui citoyen Marat, j'en arrive,...eh bien, votre département est il toujours dans l'erreur, décidemment marchent ils contre Paris, ces normands dont on nous fait peur ? vous voyez comme Paris est tranquille. Vous pouvez juger, par vous-même, les scélérats qui cherchent à allumer la guerre civile. Ils vous disaient que tout était ici à feu et à sang, qu'il n'existait plus de convention, et cependant l'ordre et la paix y règnent et la Convention n'a jamais été si grande et si respectée. Elle reçoit de toutes parts des bénédictions d'avoir fait une constitution toute républicaine, toute populaire...


Ami du peuple à mon tour, permettez moi de vous faire quelques questions. Que pensez vous vous-même des députés qui se sont retirés dans notre département ; que leur arrivera t il ? ...ce qui leur arrivera ; la France va connaître leurs complots criminels. Bientôt ils n'auront plus d'asile, et sous peu la guillotine...


A ce mot la guenon tire de son sein le couteau qu'elle y avait caché et l'enfonce dans la gorge de Marat. Au secours, à moi, s'écria t il. Ce mot est le dernier qu'il ait prononcé. Deux femmes accourent, elles voyent le sang jaillir de la plaie, elles veulent arrêter la garce qui vient de commettre ce crime, mais elle bataille et joue des jambes jusqu'à la porte. Les voisins accourent au bruit et saisissent la scélérate. La garde accourt ; toute la section de Marseille entoure aussitôt la porte avec ses canons. Cette fatale nouvelle est bientôt répandue dans tout Paris.


Les aristocrates sont aucomble de la joie ; les bons citoyens au désespoir vont pleurer sur le lit de leur véritable ami. Je ne fus pas des derniers à m'y rendre, foutre, et j'assistai à l'interrogatoire de la coquine. Elle a la douceur d'une chatte qui fait patte de velours, pour mieux égratigner ; elle ne paraissait pas plus troublée, que si elle avait fait la meilleure action.


Le commissaire lui demande son nom ; elle répond qu'elle s'appelle Charlotte Corday, fille d'un ci-devant gentilhomme ; elle défile tranquillement son chapelet, et avoue qu'elle n'était venue à Paris que pour tuer Marat qu'elle regardait comme l'ennemi de la patrie, et elle se félicite de l'avoir égorgé. Je m'attends à mourir, dit elle, mais mon parti est pris depuis longtemps ; moi seule j'ai formé ce projet ; il me semblait si beau, que je ne l'ai communiqué à personne, afin d'en avoir seule la gloire. Si je m'étais cru, j'aurais mis cette tigresse en chair à pâté, que t'avait fait Marat, lui dis je ? Tu as menti quand tu as avancé que tu le regardais comme un ennemi de ton pays. Toi-même l'as reconnu pour un bon citoyen et un brave bougre, puisque pour le voir,tu as cherché à exciter sa pitié.


Elle ne répond pas à cette question. On la fouille, on lui trouve les poches bien garnies de gros écus et d'assignats faux. Elle répond à tout avec assurance, et marche aussi tranquillement en prison, que si elle allait au bal. Ce coup là n'est pas le dernier que nos ennemis doivent porter aux patriotes.lesmêmes jean-foutres qui ont tant de fois excitéles pillages, n'ont plus d'autre moyen de mettre Paris sens dessus dessous, que de massacrer en détail les bons citoyens. Robespierre, Pache , Chaumette et moi, nous sommes sur leurs listes. Tous les jours je reçois des billets doux, dans lesquels on m'annonce que je dois être pendu, massacré, rompu, brûlé à petit feu ; d'autres me mandent qu'ils mangeront mon coeur en papillotes, d'autres qu'ils boiront mon sang, d'autres qu'ils me fendront le crâne, et boiront dedans à la santé du roi. Je me fous des menaces, et elles ne m'empêcheront pas de dire la vérité ; tantqu'il me restera un souffle, je défendrai les droits du peuple et ma république, foutre.


Ma vie n'est point à moi, elle est à ma patrie, et je serai trop heureux si ma mort pouvait être utile à la sans-culotterie qui, malgré les assassins et les empoisonneurs, sera toujours la plus forte. Si je meurs,au surplus, ce sera le plus tard que je pourrai, et j'ai de quoi répondre aux scélérats qui m'attaqueront. J'invite les bons citoyens à se tenir sur leurs gardes, à protéger les véritables amis du peuple. Malheureusement leur nombre est petit. Songez bien, sans-culottes, que si Marat et Robespierre n'avaient pas existé, vous n'auriez pas plus de liberté que dessus ma main.


J'espère, foutre, que nos frères des départements, qui se sont laissé buzoter, vont revenir de leur erreur. Ils vont voir de quel côté sont les poignards. Voilà déjà deux députés égorgés par les brissotins, et les brissotins vivent encore. Pas un d'eux n'a reçu aucune chiquenaude. Je m'attends, cependant, que le prêtre Fauchet et son camarade Duperret, complices de la garce du Calvados et qui sifflent avec elle la linotte, vont recevoir le prix de leurs forfaits. Qu'il soit élevé un tombeau à l' ami du peuple ; que ses restes précieux y soient exposés à la vue des citoyens ;que sur la même place et en face du tombeau, un échafaud soit dressé pour Brissot , Duperret , Fauchet et la normande. D'un côté, les larmes du peuple prouveront sa reconnaissance ; de l'autre, les malédictions précéderont sa vengeance ; mais ce n'est point assez que la guillotine pour punir les traîtres, il faut un nouveau supplice plus terrible et plus infamant, égal au crime, s'il est possible, foutre.


Le père Duchesne.

JACQUES-RENE HEBERT, GRAVE PAR M. PERONARD


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